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Affichage des articles du juin, 2018

SORTIR !

Et voilà ! malgré toutes mes précautions, je me retrouve enfermé au Centre de rétention de Vincennes. Centre de rétention, quezaco ? Centre de rétention administrative, dites CRA. C’est une sorte de prison où on enferme les étrangers sans papiers. Et on les enferme pour quoi faire ? Pour pouvoir les expulser plus facilement : ils sont enfermés, on peut les mettre plus facilement dans un avion et hop, retour au bled ! Donc, à mon tour, je me suis fait embarquer : le lieu, bien classique, gare du Nord. On le sait bien, il faut éviter les gares, où les flics peuvent faire des vérifications d’identité plus facilement, mais, bon, éviter les gares, il faut bien aller travailler. Et je dois travailler d’autant plus, que je n’ai pas de papiers, donc, le patron me paie au lance pierre. Aussi,  pour survivre et envoyer un petit quelque chose à ma famille, je dois travailler et prendre ce qu’on me propose.

LES MILLE ET UNE COMPLICATIONS DE LA VIE DE SANS-PAPIERS

Grâce à notre réseau qui fonctionne de mieux en mieux, je suis avertie qu’un retenu a besoin de ses papiers pour établir un recours. Il n’a pas de téléphone au CRA et j’entre d’abord en contact avec son co-retenu, qui me passe Mamoudou. Mamoudou est hébergé dans un foyer à Carrières sur Seine, l’ami avec qui il partage sa chambre a bien le dossier en question, mais, étant lui-même sans papiers, il ne veut en aucun cas se rendre au CRA. Je prends donc le numéro de l’ami, Ousmane, et je l’appelle. C’est dimanche, Ousmane est cependant au bureau (les sans papiers ne sont pas soumis aux 35 heures !) et nous nous mettons d’accord pour nous retrouver le soir, à la station Châtelet : je prendrai le précieux  dossier et l’apporterai le lendemain à Mamoudou. Le temps passe, j’attends toujours l’appel de Ousmane me disant qu’il est en route pour Châtelet. Je finis par l’appeler : il semble essoufflé et me met au courant de la situation : il est resté tard au travail, il n’y a qu’un train sur de

VENIR DU SOUDAN… IMMENSE SOLITUDE

Je rentre du CRA, très alarmée ! Je me précipite sur mon ordi et je cherche les dernières nouvelles sur l’état des droits et des libertés à Khartoum. Il me semblait bien que rien ne paraissait s’améliorer ! Je ne suis pas déçue : de violentes manifestations ont bien eu lieu en janvier, le prix du pain a été multiplié par trois, des journalistes ont été arrêtés, il y a eu des morts. La guerre sévit toujours au Darfour et dans les états de Kordofan-Sud et du Nil bleu ; enfin, l’état d’urgence a été proclamé dans 2 autres états, le Kassala et le Kordofan-Nord. En revanche, la situation diplomatique du dictateur Ben Béchir, elle, s’améliore : fin des sanctions prises par les États-Unis, reprise des relations diplomatiques avec l’Arabie Saoudite, rupture avec l’Iran, accords économiques et militaires avec la Turquie… Est-ce à cause de cette vitrine diplomatique que l’on renvoie des demandeurs d’asile soudanais dans l’enfer de leur pays ?