LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS ANNULE DE NOMBREUSES OQTF ! 1ÈRE PARTIE


Le tribunal administratif de Paris (TA), dont dépend le CRA de Vincennes, a rendu une série d’annulations d’OQTF (obligation de quitter le territoire français), une dizaine en un mois !


Petit rappel juridique :
Si une personne sans papiers se trouve au CRA, c’est qu’elle s’est vu délivrer par la préfecture une OQTF sans délai. Elle est enfermée au CRA afin d’être éloignée le plus rapidement possible.
Quel recours ?
L’OQTF étant un acte administratif, c’est le TA qui doit être saisi pour la contester. Le retenu a 48h pour déposer son recours, c’est donc un délai très bref et le service d’assistance juridique du CRA doit être très vigilant et très réactif.
C’est ce qui se passe à Vincennes, ces derniers mois. Le TA a annulé plusieurs OQTF, sanctionnant ainsi l’action de la préfecture de police de Paris.


Quels motifs d’annulation ?


Ils sont très variés, mais le tribunal retient souvent l’erreur manifeste d’appréciation de la situation de l’étranger sans papiers par la préfecture, on trouve aussi l’absence de pièces devant être fournies par le préfecture, la mise en rétention d’un demandeur d’asile (!!!), ou d’un malade. Par ailleurs, le juge administratif conteste plusieurs fois l’allégation par la préfecture de menace à l’ordre public que constituerait la personne sans papiers.
S’il est intéressant de saluer la vigilance de l’ASSFAM, qui a permis aux retenus de contester leur OQTF devant le TA, s’il faut saluer également la rigueur du juge administratif qui sanctionne l’action de la préfecture, une autre question, plus inquiétante, se pose ici : le nombre d’OQTF annulé est important ! Les services de la préfecture donnent l’impression de délivrer
trop souvent des OQTF peu ou mal fondées.
Or, toutes les ONG concernées par le droit des étrangers sont formelles : les OQTF brisent des familles et mettent à mal les liens établis
souvent de longue date par l’étranger avec notre pays. Il s’agit par conséquent de décisions graves, qui pèsent lourdement sur l’avenir des retenus et de leur famille.
À lire les motifs d’annulation des OQTF, on ne peut qu’être saisi par une inquiétante impression : celle d’une administration qui délivre – à la chaîne, pourrait-on dire
des OQTF infondées !
Nous publions quelques exemples de ces annulations : quelques lignes d’explication sur la situation de la personne, puis la citation de l’extrait du jugement qui résume l’argumentation du juge administratif.

 

    I - Quand la préfecture ne se fatigue pas trop, c’est plutôt bon pour le retenu !


Certains cas d’annulation d’OQTF sont assez réjouissants ! Qu’on en juge (comme l’a fait le juge du tribunal administratif).
En juillet, la préfecture de Gironde prend un arrêté concernant M. H. : c’est une OQTF. Puis M.H. est arrêté à Paris et enfermé au CRA de Vincennes. Il conteste cet arrêté devant le TA de Paris. Et la préfecture de Gironde ne fait….rien : pas de mémoire en défense en particulier et elle ne fournit pas non plus l’arrêté contesté ! Or, selon le code de la justice administrative : « Les décisions attaquées sont produites par l’administration ». Le juge ne pouvant examiner l’arrêté incriminé, il ne peut que l’annuler !
 « En l’espèce le préfet n’a pas produit l’arrêté attaqué du 30 juillet 2021 alors qu’une telle production lui incombait en application des dispositions précitées. En l’absence d’une telle production de la part du préfet, rien ne permet d’établir que cette décision a été signée par une autorité compétente ni qu’elle est suffisamment motivée. » TA Paris

- Mais quand la préfecture s’acharne, la situation devient kafkaienne !

 
Un étranger s’est vu délivrer une OQTF, une interdiction de retour (IRTF) et une liste de pays de destination pour son éloignement. Les deux premiers arrêtés (OQTF et IRTF) sont soigneusement étudiés par le juge, qui les confirme. En revanche, c’est le troisième arrêté qui sera annulé ! Ce dernier arrêté prévoyait un certain nombre de pays vers lesquels éloigner ce retenu ; dans cette liste, il n’est pas fait mention de l’Italie. Or, M.S. a des papiers italiens, illimités depuis 2015 ! Il paraît logique au juge que c’est en Italie qu’il faut renvoyer cette personne. Pourquoi une solution aussi simple n’a-t-elle pas été retenue par la préfecture ? Mystère…
En conséquence, M.S. sera expulsé en Italie, où il retrouvera l’ensemble de ses droits.
               « Il ressort des pièces du dossier que M. S est titulaire d’un titre de séjour à durée illimité  délivré par les autorités italiennes le 21 décembre 2015. Dès lors, en excluant ce pays de la liste de ceux à destination duquel M. S. pouvait être reconduit, le préfet de Seine-et-Marne a entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation.  
  Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. S est seulement fondé à demander l’annulation de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné. 
»