LE CERCLE INFERNAL DE LA DÉCHÉANCE SOCIALE ACCÉLÉRÉE PAR LA MARGINALISATION DU SANS PAPIER

Abdou, togolais, 36 ans, 8ème jour de rétention.


La rencontre avec Abdou nous amène d’emblée à nous demander pourquoi il  se retrouve dans ce lieu de rétention alors qu’il est arrivé en France à l’âge de 17 ans pour rejoindre sa mère et qu’il n’a pas quitté depuis cette date le territoire français. Il a fait ses études en France, a exercé son activité professionnelle d’infographiste en France, s’est mis en ménage avec une Française, son amour de jeunesse depuis le lycée, a eu un enfant, âgé aujourd’hui de 10 ans, de nationalité  française. Sous divers statuts, étudiant, salarié, vie familiale, la Préfecture lui a fourni des titres de séjour pendant des années, d’autres, comme lui, ont pu alors demander et obtenir la nationalité française.


Ce n’est pas son cas, Abdou fait partie de ces étrangers dont la vie quotidienne est empoisonnée par la quête annuelle du titre de séjour, puis de mois en mois, de récépissé en récépissé à chaque fois que dans sa vie un accident de parcours rebat les cartes : perte de son emploi en 2011, difficultés à payer la pension à la mère pour leur enfant, après leur séparation, ceci  alors qu’il est en attente d’un CDD dans l’entreprise où il fait un stage de formation web en 2016. Chaque passage en préfecture est marqué par l’exigence de nouvelles preuves de son intégration. Dernièrement la carte de séjour a été refusée pour insuffisance de participation à l’entretien  de son enfant, ceci malgré les preuves fournies, malgré l’aide d’une association et d’un avocat, mais sans doute en rapport avec le conflit qui l’oppose à la mère qui refuse de présenter l’enfant à son père selon les conditions fixées par le juge, comme le démontrent des pièces de gendarmerie. Pourtant Abdou dit se présenter régulièrement au domicile de son enfant, se préoccupe de ses résultats scolaires auprès de l’école, produit des témoignages de voisins. Son angoisse est en effet de voir son fils grandir sans son père comme cela fut son propre cas.

 
Mais comment faire valoir valablement ses droits de père quand on est devenu  étranger sans papiers, ce qui entraine des emplois plus aléatoires et moins payés, quand on finit par ne plus pouvoir acquitter son loyer et qu’on se retrouve à vivre de la charité des amis et pour les trois derniers mois, à dormir dans une cage d’escalier ? C’est le cercle infernal de la déchéance sociale mais accélérée par la marginalisation du sans papier…



  Cela vous conduit au CRA  avec une OQTF et à l’expulsion vers un pays que vous ne connaissez pas, où vous n’avez pas de relations. Quel gâchis !