DE l’ASE (aide sociale à l'enfance) AU CRA
Ubu bien vivant et même… dépassé !
Le hasard a voulu que cet après-midi nous voyions deux retenus aux parcours similaires, parcours dont le tragique confine à l’absurde. Qu’on en juge :
Ces deux retenus sont arrivés mineurs en Europe ; l’un venant d’Egypte, après avoir payé la coquette somme de 3000 euros, a atteint assez rapidement l’Italie en bateau, puis la France, en train, en passant par Vintimille. L’autre, de Côte d’Ivoire, est passé par le Mali et la Lybie. Tous les deux reconnus mineurs, ils ont été pris en charge par l’ASE et ont chacun un CAP : l’un en électricité, l’autre en mécanique auto, deux métiers grâce auxquels il est assez aisé de trouver du travail. Malheureusement, la nouvelle législation s’applique à eux : pour obtenir la carte de salarié, il faut avoir un CDI (la législation précédente ne demandait qu’un CDD d’un an). Faute du fameux CERFA, les deux jeunes hommes se retrouvent au CRA, l’un contrôlé à Stalingrad, l’autre tout simplement convoqué au commissariat… et aussitôt embarqué !
Le jeune Egyptien, arrivé à 15 ans aurait même pu demander la nationalité française par déclaration. Faute d’un accompagnement efficace, il se retrouve en rétention !
Le jeune Ivoirien était en train de négocier l’obtention d’un CDI, mais à un mois près, il n’a pas pu le présenter à temps à la préfecture et se retrouve en rétention !
Ces 2 jeunes gens ont étudié plusieurs années en France (leur connaissance de la langue est excellente), ils ont une formation qualifiante, dans des secteurs en tension et ils se retrouvent en rétention !
Confiés à l’ASE pendant plus de 2 ans, ils ont bénéficié d’une prise en charge qui a coûté à la collectivité plus de 100 000 euros par an (un placement en foyer « coûte » autour de 54 000 euros par an et par enfant qu'il soit français ou étranger), mais eux se retrouvent en rétention.
À présent, ils risquent l’expulsion. Cette dernière opération est évaluée par un récent rapport parlementaire (juin 2019) à 13 800 euros en moyenne.
Alors, il faudra qu’on m’explique la logique de ces opérations. Il me paraît plus simple et plus efficace en termes économique et financier, de donner à ces deux jeunes une carte de séjour leur permettant de travailler, surtout dans des secteurs où l’on manque de main-d’œuvre : ils travaillent, paient leurs impôts et valorisent ainsi l’investissement de la collectivité qui a contribué à leur formation.
Au lieu de ce parcours logique, on forme ces jeunes et puis on les enferme et on essaie de les expulser. Il y a là quelque chose qui m’échappe ! Cette logique de « haute politique » relève tout à fait de Ubu roi !
Devant une telle aberration, je ne peux que crier à Alfred Jarry :
« Merdre ! De par ma chandelle verte ! Ta pompe à phynances est une super invention et ta machine à décerveler a fait vraiment merveille ! »
Alfred Jarry (1873-1907) [Public domain]