DE LA DAAS au CRA, L'ITINÉRAIRE CABOSSÉ ET TRAGIQUE DE MILOUD, INUTILEMENT ET INHUMAINEMENT PRIVÉ DE LIBERTÉ !
Miloud nous a été signalé par Jacqueline, qui nous décrivait rapidement son parcours, mais ce que nous avons appris de sa bouche dépasse de beaucoup ce bref résumé.
Nous voyons arriver un homme très maigre, manifestement en mauvais état physique : ses dents sont très abîmées. Sachant qu’il est en France depuis 32 ans, nous pensons avoir devant nous un homme s’approchant de la soixantaine. Au cours de la discussion, nous apprendrons qu’il n’a pas 49 ans.
Celle-ci est facile et agréable : visiblement, Miloud est très à l’aise, son français est excellent, il nous demande longuement des nouvelles de Jacqueline et nous interroge sur nos propres vacances. Cette façon d’établir avec beaucoup de finesse un véritable équilibre entre lui et nous est remarquable : il refuse ainsi sa place victime enfermée, se plaignant à des sortes de dames patronnesses, prêtes à écouter sa plainte.
Et pourtant, Miloud a de quoi se plaindre de l’existence ! En Algérie, il perd ses 2 parents et est pris en charge par une tante. Alors qu’il est âgé de 8 ans, elle l’emmène en France, puis, au bout de quelque temps, décide rentrer au pays…sans lui ! Il est donc confié à la DAAS et placé en famille d’accueil. Dans cette famille, tout se passe mal, si mal que Miloud fugue.
Très jeune, il rencontre sa future femme, une Française de Bourges ; ils se marient et auront 3 garçons, actuellement âgés de 19, 17 et 13 ans. Mais le sort continue à s’acharner sur lui. Après 16 ans de vie commune, la jeune femme meurt dans un accident de voiture, sa cousine, qui l’accompagnait, n’a pas une égratignure.
Nous ne saurons pas pourquoi Miloud se retrouve sans papiers, car en tant qu’époux d’une Française et père d’enfants français, il peut obtenir de plein droit la carte de résident de 10 ans. Cela lui a été confirmé par l’ASSFAM, qui a bien dit « qu’il n’avait rien à faire au CRA ». Il y est pourtant, et doit finir ses 45 jours prochainement. Il a vu le consul, qui lui a confirmé avoir refusé la délivrance du laissez passer.
Miloud semble avoir toutefois entrepris des démarches pour obtenir des papiers : il a demandé un passeport algérien, mais il est découragé par la somme d’informations à fournir sur sa filiation, informations qu’il ne peut donner, après 32 ans passés hors de son pays d’origine !
Actuellement, il est hébergé par un ami, compagnon de misère lorsque l’un et l’autre dormaient dehors ; l’ami a obtenu ses papiers et a donc pu louer un petit logement à Paris. Miloud travaille comme aide cuisinier dans un restaurant de Saint Ouen ; son patron serait prêt à le reprendre.
Il est très inquiet pour son dernier fils, confié à une tante maternelle qui habite la région parisienne. Ce jeune a été très choqué par l’arrestation de son père et son enfermement. Les 2 aînés sont pris en charge par leur grand-mère maternelle, à Bourges. Tous les mois, Miloud s’y rend et va fleurir la tombe de sa femme.
« J’apporte des roses blanches, elle aimait beaucoup les roses blanches, je ne lui parle pas, je vide mon cœur, après, je me sens mieux. »
Nous sommes bouleversées…
« Fin des visites ! » annonce la policière.
- Allons, je vous fais la bise, dit gentiment Miloud, qui nous remercie encore et encore pour notre venue.
Étrangement, nous ne sortons pas accablées. Miloud, malgré tous ses malheurs, montre un grand courage et une extraordinaire forme de légèreté. Son aisance dans les relations sociales est étonnante : il interpelle les retenus présents dans le parloir, salue aimablement le consul d’Algérie, qui traverse le local, et nous précise qu’on lui demande constamment de faire l’interprète. Il est heureux de rendre service, en particulier de désamorcer les conflits qui surgissent constamment dans ce lieu d’enfermement.
Mais nous avons envie de hurler :
QUE FAIT ICI CE PÈRE DE TROIS ENFANTS FRANÇAIS, EN FRANCE DEPUIS 32 ANS, QU’ON N’EXPULSERA PAS ?
À l’absurdité de la rétention que nous ne cessons de dénoncer, s’ajoutent ces abus inadmissibles qui augmentent la détresse de ces damnés de la terre à qui même le droit élémentaire de vivre en famille est ainsi refusé.
Des nouvelles du CRA
Notre interlocuteur nous fait part du climat de violence qui règne en continu au CRA. Ce n’est pas une surprise, la Cimade a fait part des mêmes constatations. Selon Miloud, les policiers sont majoritairement racistes et provoquent constamment les retenus. Les insultes pleuvent. Les vexations aussi : ainsi, à 2 heures du matin, fouille des chambres. « Soit, dit Miloud, philosophe, allez, fouillez ! » La fouille s’effectue, les retenus se recouchent et allez ! nouvelle fouille ! il ne peut s’agir que d’une mesure vexatoire !
Il y a quelques jours, un retenu a été tellement frappé que le médecin effrayé l’a fait aussitôt hospitaliser : résultat, 21 jours d’IPP. Le retenu, qui est décidément un dur à cuire, a porté plainte, l’IGS est venue enquêter.
En même temps que nous, dans le local, entre un retenu, qui commence à parler avec Miloud : lui aussi a reçu des coups, très visibles, au visage et se plaint du menottage qui lui a meurtri les poignets ; un policier le remmène, menotté à nouveau.
À juste titre, Miloud s’inquiète de l’allongement de la durée de rétention à 90 jours qui est entrée en vigueur récemmen. Les tensions sont déjà insupportables avec 45 jours d’enfermement. S’ils restent 3 mois, ils vont devenir fous !
Nous voyons arriver un homme très maigre, manifestement en mauvais état physique : ses dents sont très abîmées. Sachant qu’il est en France depuis 32 ans, nous pensons avoir devant nous un homme s’approchant de la soixantaine. Au cours de la discussion, nous apprendrons qu’il n’a pas 49 ans.
Celle-ci est facile et agréable : visiblement, Miloud est très à l’aise, son français est excellent, il nous demande longuement des nouvelles de Jacqueline et nous interroge sur nos propres vacances. Cette façon d’établir avec beaucoup de finesse un véritable équilibre entre lui et nous est remarquable : il refuse ainsi sa place victime enfermée, se plaignant à des sortes de dames patronnesses, prêtes à écouter sa plainte.
Et pourtant, Miloud a de quoi se plaindre de l’existence ! En Algérie, il perd ses 2 parents et est pris en charge par une tante. Alors qu’il est âgé de 8 ans, elle l’emmène en France, puis, au bout de quelque temps, décide rentrer au pays…sans lui ! Il est donc confié à la DAAS et placé en famille d’accueil. Dans cette famille, tout se passe mal, si mal que Miloud fugue.
Très jeune, il rencontre sa future femme, une Française de Bourges ; ils se marient et auront 3 garçons, actuellement âgés de 19, 17 et 13 ans. Mais le sort continue à s’acharner sur lui. Après 16 ans de vie commune, la jeune femme meurt dans un accident de voiture, sa cousine, qui l’accompagnait, n’a pas une égratignure.
Nous ne saurons pas pourquoi Miloud se retrouve sans papiers, car en tant qu’époux d’une Française et père d’enfants français, il peut obtenir de plein droit la carte de résident de 10 ans. Cela lui a été confirmé par l’ASSFAM, qui a bien dit « qu’il n’avait rien à faire au CRA ». Il y est pourtant, et doit finir ses 45 jours prochainement. Il a vu le consul, qui lui a confirmé avoir refusé la délivrance du laissez passer.
Miloud semble avoir toutefois entrepris des démarches pour obtenir des papiers : il a demandé un passeport algérien, mais il est découragé par la somme d’informations à fournir sur sa filiation, informations qu’il ne peut donner, après 32 ans passés hors de son pays d’origine !
Actuellement, il est hébergé par un ami, compagnon de misère lorsque l’un et l’autre dormaient dehors ; l’ami a obtenu ses papiers et a donc pu louer un petit logement à Paris. Miloud travaille comme aide cuisinier dans un restaurant de Saint Ouen ; son patron serait prêt à le reprendre.
Il est très inquiet pour son dernier fils, confié à une tante maternelle qui habite la région parisienne. Ce jeune a été très choqué par l’arrestation de son père et son enfermement. Les 2 aînés sont pris en charge par leur grand-mère maternelle, à Bourges. Tous les mois, Miloud s’y rend et va fleurir la tombe de sa femme.
« J’apporte des roses blanches, elle aimait beaucoup les roses blanches, je ne lui parle pas, je vide mon cœur, après, je me sens mieux. »
Nous sommes bouleversées…
« Fin des visites ! » annonce la policière.
- Allons, je vous fais la bise, dit gentiment Miloud, qui nous remercie encore et encore pour notre venue.
Étrangement, nous ne sortons pas accablées. Miloud, malgré tous ses malheurs, montre un grand courage et une extraordinaire forme de légèreté. Son aisance dans les relations sociales est étonnante : il interpelle les retenus présents dans le parloir, salue aimablement le consul d’Algérie, qui traverse le local, et nous précise qu’on lui demande constamment de faire l’interprète. Il est heureux de rendre service, en particulier de désamorcer les conflits qui surgissent constamment dans ce lieu d’enfermement.
Mais nous avons envie de hurler :
QUE FAIT ICI CE PÈRE DE TROIS ENFANTS FRANÇAIS, EN FRANCE DEPUIS 32 ANS, QU’ON N’EXPULSERA PAS ?
À l’absurdité de la rétention que nous ne cessons de dénoncer, s’ajoutent ces abus inadmissibles qui augmentent la détresse de ces damnés de la terre à qui même le droit élémentaire de vivre en famille est ainsi refusé.
Des nouvelles du CRA
Notre interlocuteur nous fait part du climat de violence qui règne en continu au CRA. Ce n’est pas une surprise, la Cimade a fait part des mêmes constatations. Selon Miloud, les policiers sont majoritairement racistes et provoquent constamment les retenus. Les insultes pleuvent. Les vexations aussi : ainsi, à 2 heures du matin, fouille des chambres. « Soit, dit Miloud, philosophe, allez, fouillez ! » La fouille s’effectue, les retenus se recouchent et allez ! nouvelle fouille ! il ne peut s’agir que d’une mesure vexatoire !
Il y a quelques jours, un retenu a été tellement frappé que le médecin effrayé l’a fait aussitôt hospitaliser : résultat, 21 jours d’IPP. Le retenu, qui est décidément un dur à cuire, a porté plainte, l’IGS est venue enquêter.
En même temps que nous, dans le local, entre un retenu, qui commence à parler avec Miloud : lui aussi a reçu des coups, très visibles, au visage et se plaint du menottage qui lui a meurtri les poignets ; un policier le remmène, menotté à nouveau.
À juste titre, Miloud s’inquiète de l’allongement de la durée de rétention à 90 jours qui est entrée en vigueur récemmen. Les tensions sont déjà insupportables avec 45 jours d’enfermement. S’ils restent 3 mois, ils vont devenir fous !