QUAND LE PERIPLE SE TERMINE AU CRA….
Mohammed, Afghan J+9
Le périple de ce jeune homme est étonnant et également très nouveau pour nous.
Mohammed vient de Kaboul, Afghanistan : après avoir suivi des études supérieures (son anglais est excellent), puis travaillé dans le domaine des hautes technologies pour l'armée, il a fui son pays. Il reste discret sur les motifs précis qui l’ont poussé à fuir. À Kaboul sont restées sa femme, sa fille, bébé, ainsi que sa mère. Il ne les a pas revues depuis janvier 2013, date à laquelle il est parti vers la Russie, muni d’un visa. Il y est resté environ deux ans. A Moscou, Mohammed a travaillé comme manutentionnaire, réussissant à obtenir un permis de séjour d'un an et à le renouveler une fois (au prix de la corruption, soit 3000 dollars !) Sa troisième demande est cependant rejetée.
Après deux ans, n'ayant pas obtenu de renouvellement de son titre de séjour et craignant d'être expulsé vers son pays d'origine, Mohammed prend la décision de partir vers la Norvège, juste avant l’expiration de son permis de séjour. [La Norvège partage en effet une frontière avec la Russie, tout au Nord du pays, à Kirkenes à 500 km du cercle polaire arctique. Il semblerait que cette route soit de plus en plus utilisée pour entrer dans l'espace Schengen]. Il traverse donc la frontière russe à vélo [la Russie interdisant les passages de frontière à pied], les Russes tamponnent son passeport et il dépose une demande d'asile en Norvège. Il reste environ 10 mois sur le sol norvégien, habitant un village où se trouve le centre d’accueil des demandeurs d’asile. Il est surpris par la solitude, ou du moins le peu de monde qu’il peut croiser, par exemple, quand il fait son jogging tous les matins.
Sa demande d'asile est cependant refusée : “preuves trop faibles”. Mohammed décide alors de partir vers la France, en voiture : il traverse la Suède, le Danemark, et arrive en France en juillet 2016. Dormant tout d'abord sous une tente, au campement de la Chapelle, puis dans un gymnase, il est ensuite pris en charge par l'association Aurore et peut disposer d'une chambre.
Mohammed, souhaitant vivement être actif, accompagne alors des associations, les faisant bénéficier de ses talents linguistiques : il traduit notamment pour les migrants afghans ne maitrisant pas l'anglais. En parallèle, il redépose une demande d'asile en France.
Mohammed est cependant soumis à la « procédure Dublin », la préfecture découvrant qu'il a déjà effectué une demande d'asile en Norvège. [le règlement Dublin 3 oblige le demandeur d’asile à déposer sa demande dans le premier pays européen où il arrive et où il donne ses empreintes : c’est une façon, pour des pays comme la France et l’Angleterre, de ne pas accueillir les demandeurs d’asile et de chercher à les renvoyer dans le pays d’arrivée : essentiellement l’Italie et l’Espagne. Ce règlement est vivement critiqué par les associations, regroupées dans le collectif « Stopdublin », qui demandent sa suppression]
Convoqué à la préfecture, Mohammed y est arrêté et est placé au Centre de Rétention Administrative de Vincennes et il risque d’être renvoyé en Norvège. Or la Norvège lui ayant refusé le statut de réfugié, il ne pourra pas y rester ! Devant cette situation inextricable, épuisé par l’instabilité de sa vie et les souffrances de cette longue route d’exil, Mohammed souffre de dépression et sa maladie a été reconnue comme telle par son médecin et par le médecin du CRA. Il nous indique que les conditions du CRA (bruit, ennui) participent à la détérioration de son état de santé. Il souhaite que son état soit reconnu incompatible avec la rétention, ce qui lui permettrait d’être libéré pour raisons médicales. Mais pourra-t-il se maintenir en France ? S’il parle plusieurs langues afghanes, il ne parle pas du tout français…
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Le périple de ce jeune homme est étonnant et également très nouveau pour nous.
Mohammed vient de Kaboul, Afghanistan : après avoir suivi des études supérieures (son anglais est excellent), puis travaillé dans le domaine des hautes technologies pour l'armée, il a fui son pays. Il reste discret sur les motifs précis qui l’ont poussé à fuir. À Kaboul sont restées sa femme, sa fille, bébé, ainsi que sa mère. Il ne les a pas revues depuis janvier 2013, date à laquelle il est parti vers la Russie, muni d’un visa. Il y est resté environ deux ans. A Moscou, Mohammed a travaillé comme manutentionnaire, réussissant à obtenir un permis de séjour d'un an et à le renouveler une fois (au prix de la corruption, soit 3000 dollars !) Sa troisième demande est cependant rejetée.
Après deux ans, n'ayant pas obtenu de renouvellement de son titre de séjour et craignant d'être expulsé vers son pays d'origine, Mohammed prend la décision de partir vers la Norvège, juste avant l’expiration de son permis de séjour. [La Norvège partage en effet une frontière avec la Russie, tout au Nord du pays, à Kirkenes à 500 km du cercle polaire arctique. Il semblerait que cette route soit de plus en plus utilisée pour entrer dans l'espace Schengen]. Il traverse donc la frontière russe à vélo [la Russie interdisant les passages de frontière à pied], les Russes tamponnent son passeport et il dépose une demande d'asile en Norvège. Il reste environ 10 mois sur le sol norvégien, habitant un village où se trouve le centre d’accueil des demandeurs d’asile. Il est surpris par la solitude, ou du moins le peu de monde qu’il peut croiser, par exemple, quand il fait son jogging tous les matins.
Sa demande d'asile est cependant refusée : “preuves trop faibles”. Mohammed décide alors de partir vers la France, en voiture : il traverse la Suède, le Danemark, et arrive en France en juillet 2016. Dormant tout d'abord sous une tente, au campement de la Chapelle, puis dans un gymnase, il est ensuite pris en charge par l'association Aurore et peut disposer d'une chambre.
Mohammed, souhaitant vivement être actif, accompagne alors des associations, les faisant bénéficier de ses talents linguistiques : il traduit notamment pour les migrants afghans ne maitrisant pas l'anglais. En parallèle, il redépose une demande d'asile en France.
Mohammed est cependant soumis à la « procédure Dublin », la préfecture découvrant qu'il a déjà effectué une demande d'asile en Norvège. [le règlement Dublin 3 oblige le demandeur d’asile à déposer sa demande dans le premier pays européen où il arrive et où il donne ses empreintes : c’est une façon, pour des pays comme la France et l’Angleterre, de ne pas accueillir les demandeurs d’asile et de chercher à les renvoyer dans le pays d’arrivée : essentiellement l’Italie et l’Espagne. Ce règlement est vivement critiqué par les associations, regroupées dans le collectif « Stopdublin », qui demandent sa suppression]
Convoqué à la préfecture, Mohammed y est arrêté et est placé au Centre de Rétention Administrative de Vincennes et il risque d’être renvoyé en Norvège. Or la Norvège lui ayant refusé le statut de réfugié, il ne pourra pas y rester ! Devant cette situation inextricable, épuisé par l’instabilité de sa vie et les souffrances de cette longue route d’exil, Mohammed souffre de dépression et sa maladie a été reconnue comme telle par son médecin et par le médecin du CRA. Il nous indique que les conditions du CRA (bruit, ennui) participent à la détérioration de son état de santé. Il souhaite que son état soit reconnu incompatible avec la rétention, ce qui lui permettrait d’être libéré pour raisons médicales. Mais pourra-t-il se maintenir en France ? S’il parle plusieurs langues afghanes, il ne parle pas du tout français…
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