LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS ANNULE DE NOMBREUSES OQTF ! 5e PARTIE

 V-  Quand la préfecture enferme les malades, non pour les soigner, mais pour pouvoir les expulser…

 
M.M. est un grand malade : son dossier médical est impressionnant, avec quantité de certificats médicaux indiquant la gravité de son état. 
Dans certain cas, c’est le préfet qui décide l’admission en soins psychiatriques de personnes malades : c’est ce qui s’est passé pour M.M. En 2021, il a été admis en soins psychiatriques, suite à un arrêté du préfet de police, mais au mois d’octobre, le piège se referme : le préfet prend un second arrêté qui permet à M.M. de sortir. Dans le même temps et de façon déloyale à notre sens, la préfecture avertit le service de l’éloignement des étrangers : M.M. est interpelé à la sortie même de l’hôpital, se voit délivrer une OQTF et est enfermé au CRA « sans autre forme de procès » et c’est bien là que l’administration a commis une faute - pardon un vice de procédure !
Le tribunal administratif souligne qu’en effet le préfet, parfaitement au courant de l’état de santé désastreux de M.M, aurait dû saisir le collège des médecins de l’OFII avant de prendre cette OQTF.


« Il résulte de ces dispositions que dès lors qu’il dispose d’éléments d’information suffisamment précis permettant d’établir qu’un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le préfet doit, lorsqu’il envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l’intéressé n’a pas sollicité le bénéfice d’une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l’avis du collège de médecins de l’agence régionale de santé.  
Il ressort des pièces du dossier que M. M. souffre de troubles schizophréniques depuis son entrée en France au cours de l’année 2020, que cet état est établi par la production de plusieurs certificats médicaux et ordonnances du docteur Yves Pignier, praticien hospitalier, chef du pôle du 24ème secteur de psychiatrie générale du Groupe Hospitalier Universitaire (GHU) Paris Psychiatrie. Le requérant produit également copie d’un dossier à destination du médecin de l’OFII en date du 16 septembre 2021 faisant état de ses troubles psychiatriques. Le préfet de police avait connaissance de la situation médicale M. M. dès le 19 janvier 2021, date à laquelle il a ordonné, par arrêté, son admission en soins psychiatriques sur la base d’un certificat médical établi par le médecin de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de Police. Par un deuxième arrêté en date du 8 mars 2021, le préfet de police a décidé que les soins se poursuivront sous une autre forme que l’hospitalisation complète. En outre, il ressort des pièces mêmes produites par le préfet de police, l’existence d’échanges de mails entre le service de l’éloignement des étrangers de la préfecture et le bureau des actions de la santé mentale aux fins d’organisation de l’interpellation de M. M. le jour même de sa sortie du centre de soins psychiatriques du GHU où il avait été réintégré au cours du mois d’octobre 2021. En conséquence, le préfet de police, qui au demeurant n’a pas produit le procès-verbal d’audition du requérant, doit être regardé, dans les circonstances de l’espèce, comme ayant eu une connaissance précise et suffisante de la nature et de la gravité des troubles dont souffrait l’intéressé et ne pouvait ainsi prendre à l’encontre du requérant la mesure d’éloignement en litige sans solliciter l’avis du collège des médecins de l’OFII. En s’abstenant de recueillir cet avis, le préfet de police a entaché sa décision d’un vice de procédure. La circonstance que, postérieurement à l’édiction de cette décision et au placement de M. M. en rétention administrative, un médecin de l’OFII a émis un avis sur son état de santé, n’est pas de nature à remédier au vice de procédure dont est entachée l’obligation de quitter le territoire français. M. M. est, par suite, fondé à soutenir que l’arrêté du 12 novembre 2020 est entaché d’un vice de procédure qui affecte sa légalité. 
» TA Paris

Autre cas : un étudiant en situation régulière jusqu’en novembre 2021, souffre d’une grave affection hépatique. Cet état de fait n’apparaît pas dans l’arrêté que prend – dès le 16 novembre
la préfecture pour éloigner cette personne.
Le juge administratif annule donc cette OQTF pour défaut d’examen de la situation personnelle de l’intéressé.


« Il ressort des certificats médicaux versés au dossier que M. D., entré en France sous couvert d’un visa étudiant, résidant dans ce pays depuis lors et ayant bénéficié de titres de séjour valables en dernier lieu jusqu’au 4 novembre 2021, est atteint d’une hépatite B, maladie pour laquelle il est suivi à l’hôpital Saint Nanterre et qui réclame, comme l’indique le certificat médical daté du 25 novembre 2021, une surveillance biologique régulière ainsi qu’une échographie annuelle. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de l’arrêté du 16 novembre 2021, que ces éléments relatifs à la situation personnelle de M. D. ont été pris en compte par le préfet de police. Il s’ensuit que la décision obligeant M. D. à quitter le territoire français est entachée d’un défaut d’examen de la situation personnelle de l’intéressé. » TA Paris