LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS ANNULE DE NOMBREUSES OQTF ! 4e PARTIE

 IV Le spectre de la menace à l’ordre public…menace réelle ou prétexte facile ?

 
La menace à l’ordre public (MOP) est souvent brandie par la préfecture et utilisée pour délivrer des OQTF, placer les étrangers en rétention et leur interdire l’accès au territoire français.
Toutefois, cette notion, qui paraît assez floue, est malgré tout (et fort heureusement) assez encadrée par les textes. La menace doit être réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société : ce n’est pas rien.
Or qu’est-il reproché aux deux jeunes dont nous allons vous parler ? L’un a fait un usage de stupéfiant (usage et détention), il n’a donc même pas dealé quelques barrettes de shit, l’autre a fait l’objet d’un rappel à la loi pour vol en réunion.

En quoi un « intérêt fondamental de la société » a-t-il été atteint par un jeune qui a fumé un joint et par un autre qui a commis un vol suffisamment minime pour être passible d’un rappel à la loi ?
C’est bien ce qu’a estimé le juge administratif qui, tout en soulignant le caractère délictueux de ces agissements, a annulé l’OQTF délivrée par la préfecture en soulignant son caractère manifestement disproportionnés par rapport aux faits relatés.


« Pour décider de faire obligation à M. B. de quitter le territoire français sans délai, en application des dispositions précitées du 2° de l’article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et prendre à son encontre une décision d’interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de 12 mois, le préfet des Hauts-de-Seine s’est fondé sur le fait que l’intéressé a fait l’objet de deux signalements, en 2019 et en novembre 2021 pour usage illicite et détention de produits stupéfiant. Toutefois, ces faits, pour regrettables qu’ils soient, demeurent insuffisants pour caractériser une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société alors que M. B fait valoir sans être contesté que les faits reprochés n’ont donné lieu à aucune condamnation. En outre, il n’est pas davantage contesté que M. B. est entrée en France à l’âge de 16 ans, qu’il est hébergé chez sa sœur et poursuit actuellement, comme les pièces versées au dossier l’attestent, une scolarité dans un lycée professionnel. Dès lors, compte tenu de la nature des faits qui lui sont reprochés, de leur caractère à ce stade isolés et de sa situation matérielle et familiale sur le territoire, M. B est fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine ne pouvait pas, sans méconnaître les dispositions précitées, l’obliger à quitter le territoire français. » TA Paris

« Pour faire obligation à M. S., ressortissant de l’Union européenne, de quitter le territoire français, le préfet de police a estimé qu’il représentait, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société française, au motif qu’il a été signalé par les services de police le 7 novembre 2021 pour vol en réunion. Toutefois, ce fait, dont il ressort des pièces du dossier qu’il a fait l’objet d’un rappel à la loi, est insuffisant pour caractériser une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le requérant n’est pas dénué d’attaches en France, où il est entré en 2016, où il atteste résider avec sa compagne, travailler en qualité de chauffeur livreur et où résident également ses parents. Par suite, et pour répréhensibles que soient les faits litigieux, le requérant est fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu l’article L. 251-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en l’obligeant à quitter le territoire français. » TA Paris