LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS ANNULE DE NOMBREUSES OQTF ! 2e et 3e PARTIES

 II Quand la Préfecture s’emballe…

 
C’est un cas fréquent, élégamment appelé en langage juridique : erreur manifeste d’appréciation.
En l’espèce, le retenu a toutes les raisons de se maintenir en France et de ne pas être expulsé : en d’autres termes, il coche toutes les cases :
    ⁃    Il est entré mineur en France ;
    ⁃    Il vit dans notre pays depuis 30 ans ;
    ⁃    Il est père de cinq enfants français ;
    ⁃    Il règle la pension alimentaire de ses enfants ;
    ⁃    Il possède sa propre entreprise et gagne largement sa vie ;
    ⁃    Il paie ses impôts.
Certes, au cours d’une altercation, il est interpelé, mais ne sera pas poursuivi. Réponse de la préfecture : OQTF et IRTF de 36 mois ! Diable, la facture est un peu lourde et les mesures manifestement disproportionnées, bref, il y a bien eu erreur manifeste d’appréciation. C’est-à-dire que la préfecture s’est emballée et a pris des mesures manifestement inconsidérées. Le juge les annule.


« En second lieu, le requérant soutient être entré en 1992, mineur, et résider depuis de façon continue sur le territoire français. Il indique par ailleurs être séparé et avoir 5 enfants français dont il pourvoit à l’entretien au moyen d’une pension alimentaire. Le préfet de police ne conteste pas ces éléments. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le requérant possède sa propre entreprise depuis 2000 et y travaille comme consultant pour de revenus annuels dépassant 250 000 euros, qu’il déclare aux services fiscaux. En outre, le requérant conteste les derniers faits de menace de mort qui lui sont reprochés, qui ont mené à son interpellation le 19 octobre 2021 et pour lesquels il ne sera pas poursuivi, qu’il explique par une réaction à une agression antisémite dont il aurait fait l’objet. Par suite, en l’état du dossier, en l’obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police a commis une erreur manifeste d’appréciation et, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, les deux arrêtés du 21 octobre 2021 doivent être annulés. » TA Paris

 

III  Quand la préfecture s’assoit sur la Convention de Genève…

 
La convention de Genève est le texte de référence international en matière d’asile, la France en est signataire et est donc tenue de l’appliquer. La convention liste un certain nombre d’obligations pour les pays signataires, entre autres : obligation pour le pays d’examiner la demande d’asile, interdiction de refouler un demandeur d’asile, interdiction d’enfermer un demandeur d’asile.


Dans l’affaire qui nous occupe aujourd’hui, le retenu a régulièrement déposé une demande d’asile, il est en possession d’une attestation de demande d’asile, en cours de validité, délivrée par la préfecture ! À ce jour, ni l’OFPRA (L’office qui examine les demandes d’asile), ni la CNDA (la cour nationale du droit d’asile qui se prononce sur les recours après refus par l’OFPRA) , n’ont rejeté sa demande : M.N. était donc parfaitement en règle. Cela n’a pas empêché la même préfecture de lui délivrer une OQTF et de l’enfermer au CRA. Il s’agit en fait d’une tentative de refoulement, assortie d’un enfermement !


« Il ressort des pièces produites par le requérant, que celui-ci a déposé une demande d’asile ayant donné lieu à la délivrance par le préfet de police d’une attestation de demande d’asile délivrée le 27 aout 2021, valable jusqu’au 26 février 2022. Or, le préfet de police n’établit ni même ne soutient que la demande d’asile a été rejetée par l’OFPRA puis par la Cour nationale du droit d’asile le cas échéant. L’intéressé bénéficiait, dès lors, du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de l’arrêté attaqué. Ainsi, et dès lors que, en application des dispositions précitées de l’article L. 743-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile M. M. était titulaire d’une attestation de demande d’asile en cours de validité à la date de l’arrêté attaqué, qui n’a pas été retirée ou abrogée, il est fondé à soutenir que le préfet de police de Paris ne pouvait l’obliger à quitter le territoire français. » TA Paris.


Le second cas paraît encore plus grave, car en l’espèce la préfecture a refusé d’examiner la demande d’asile d’un homme originaire du Ghana, lui a délivré une OQTF et l’a fait enfermer au CRA, violant ainsi les trois principes fondamentaux de la convention de Genève, énoncés plus haut. 


« Il ressort des pièces du dossier que M. A., qui a présenté une demande d’entrée en France au titre de l’asile à son arrivée à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, a expressément réitéré son souhait de solliciter l’asile en France, lors de son audition en garde à vue par les services de police le 20 novembre 2021, en déclarant avoir quitté le Ghana où il craignait pour sa vie et son intégrité physique en raison de son homosexualité. L’autorité préfectorale était dès lors tenue d’examiner cette demande d’admission au titre de l’asile, présentée avant l’édiction de la mesure d’éloignement litigieuse, alors même que la demande d’entrée en France au titre de l’asile présentée par le requérant avait été rejetée par le ministre de l’intérieur. Il est constant que le préfet de police n’a pas enregistré ni examiné cette demande d’asile avant de prononcer la mesure litigieuse. Dans ces conditions, M. A. est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d’une erreur de droit. » TA Paris