Visites du mois d'octobre 2012


Nous avons commencé nos visites en février 2012. Malgré le décalage entre la mise en ligne de ce blog et les premiers témoignages recueillis, nous pensons intéressant de les publier et de commencer par le début.
Ces premiers témoignages sont regroupés par mois. Nous rattraperons le temps jusqu'à faire coïncider les futures publications avec les périodes concernées et en publiant nos visites les unes après les autres.



Visite 1
Christine et Jacqueline

Faits du jour : Nous avions demandé à visiter deux personnes, un jeune policier nous a proposé de rester au parloir pour attendre le deuxième retenu. Il a parlé  «librement» avec nous, il considère que les policiers essayent d’être corrects avec les retenus pour apaiser les tensions et l’angoisse, qu’ils informent les retenus, y compris en appelant un interprète… Mais il a aussi souligné qu’ils étaient «sous le contrôle étroit de la hiérarchie», car c’est un «secteur sensible». Une seule policière a fait les accompagnements. Deux policiers à l’accueil mais l’un d'eux faisait une réussite sur l’ordinateur… Nous avons constaté ce jour-là une atmosphère plus détendue.

Hassan (CRA1) marocain ; 12 jours de rétention.

Jeune homme de 31 ans, en France depuis 4 ans et demi. Arrêté dans un jardin public. Gardé 2 jours au Commissariat, ce dépassement n’a pas été utilisé lors de son passage devant le juge, peut être parce qu’il était en possession de shit (pour sa consommation dit-il) mais si c’est un délit pourquoi a-t-il été envoyé en CRA ? 
C’est son 3e séjour en CRA (chaque  fois une quinzaine de jours à Palaiseau). Il ne reconnaît pas de nationalité, a mis ses papiers et  les preuves de son séjour en France en lieu sûr. Sait qu’il ne faut pas présenter un dossier en préfecture sans avoir un contrat d’embauche.

Il réside en France depuis 2008, il est venu par l’Italie. Il vit seul (mais son père est à Lille avec carte de séjour de 10 ans, le reste au pays) et se débrouille avec des petits boulots au noir, il connaît les filières pour cela, il peut payer le loyer d’un appartement que lui a indiqué un vieux monsieur. 

Il pense qu’il faut considérer le CRA comme des vacances : « nourri, blanchi… loisirs ».
Son témoignage sur la vie au CRA met l’accent sur les vols : certains mettraient du somnifère dans les boissons, entrent dans les chambres en demandant une cigarette, en fait pour voler pendant le sommeil des retenus... Lui-même nous montre trois sortes de médicaments qu’il ne prendrait pas pour rester vigilants : doliprane, un antidouleur gastrique, un somnifère (stilnox). Il ne mange pas de viande.

Passé devant le JLD, sa rétention est prolongée de 20 jours … les vacances continuent ! (Information obtenue par téléphone)


Mohamed (CRA1) tunisien ; 19 jours de rétention.

Mohamed a eu 24 h de garde à vue.
Il parle très mal le français. Il a d’abord passé 6 ans en Italie. Nous avons compris qu’il est arrivé à Lampedusa avec un contrat de travail, sans doute payé très cher. La preuve qu’un trafic très lucratif existe bien, puisque celui-ci arrivé à échéance, ce sont le coût trop élevé d’un nouveau contrat et les difficultés de survivre en Italie qui l’on fait partir en France jusqu’à Nice. La date de son arrivée reste floue. Peut-être 2 ans.
À Paris depuis peu, là comme ailleurs, il a travaillé sur les marchés, payé 20€ par jour.
Sans abri, il a trouvé une estafette abandonnée dans laquelle il dormait.
C’est là, de nuit, que la police est venu le contrôler et l’a arrêté.
Nous n’avons pas compris pourquoi il avait été gardé à vue 24h. Peut-être parce que sans passeport ?
Trop difficile d’essayer de savoir si L’Assfam avait demandé un recours. Nous nous sommes d’ailleurs posé la question de savoir si il fallait se renseigner, mais cela semble assez délicat à faire.
Il a vu le consul, mais n’a rien dit.

Au CRA, il est très isolé. Il communique le moins possible avec les autres, et quand nous lui avons demandé pourquoi, il a parlé de clochards, et montré par des gestes, les mutilations que se font certains retenus au bras.
Pour s’occuper, il joue beaucoup à des jeux vidéo.
Interrogé sur les conditions de vie, il trouve que « ça va », y compris la nourriture, nous dit que son voisin de chambre dort tout le temps, mais lui-même ne prend pas de médicament.
Il veut juste du travail, il aime travailler. Ses parents restés en Tunisie on besoin de lui. La vie est dure, car il aimerait bien se marier et fonder une famille, mais "c’est comme ça…"



Visite 2
Colette et Danielle

Un premier retenu qui n'a pas voulu que l'on prenne de notes écrites, c'était une première pour nous, mais qui nous a raconté beaucoup  de choses sur sa vie et le CRA; encore plus inattendu, ce retenu nous a demandé comment nous allions, pourquoi nous venions au CRA, notre lieu d'habitation, si nous aussi avions des problèmes ; et si nous aussi avions une religion… nous n'avons pas hésité à lui répondre, juste un peu étonnées de ces échanges inhabituels !
Pour le deuxième retenu déjà rencontré et parlant peu le français, j'ai chassé Colette qui avait plein de choses à faire ; une demande sans problème à la guérite, un peu d'attente, mais un refus ensuite de me laisser franchir le tourniquet car "le retenu n'avait pas répondu à l'appel" ; étonnée, je téléphone à nouveau au CRA2 et j'apprends que "mon" retenu est parti vers le parloir car il a une visite… retour à la guérite pour m'inscrire à nouveau pour le prochain tour, malgré les réserves de la policière "mais mon collègue vous a dit que le retenu ne se présentait pas…" ; ça doit être un nouveau truc... les retenus ne répondent pas aux appels, pas la peine de nous laisser aller au parloir !
Enfin, je l'ai finalement rencontré ce retenu et j'ai, bien involontairement, privé Colette d'une surprise émouvante.


Hichem (CRA2) tunisien, contact cabine, recommandé par un autre retenu "qui a moins de problèmes" ; 29 jours de rétention.

Jeune retenu de 20 ans et demi, en France depuis 1 an et demi, sans famille dans la région parisienne (un oncle naturalisé dans le sud de la France), SDF ; travaille au noir le week-end dans le bâtiment ; son amie, qui habite en province, a pu venir le voir une fois.
Toute sa famille proche est dans le sud de la Tunisie ; il a une formation de coiffeur et est venu par l'Italie après une traversée de 18h en bateau en payant 1000€.

Au CRA après avoir été arrêté au châtelet et une garde à vue de 24 h (probablement en raison d'une rétention antérieure) ; le retenu a rencontré le consul mais il n'y a eu aucun échange verbal.

Assez confiant au début de l'entretien sur ses chances de rester en France, Hichem nous dit un peu plus tard qu'il n'a pas de vol annoncé mais estime à 50% ses risques d'expulsion.

Hichem a eu une  première rétention de 4 mois en Hollande ; la durée maximale est de 18 mois, les conditions sont celles d'une prison avec peu d'activités, mais propre.
A plusieurs reprises, le retenu répète que les conditions dans le CRA sont très difficiles, dures, qu'il a été plusieurs fois témoin de mutilations pour éviter des vols, qu'un retenu est en grève de la faim depuis 3 jours, qu'ils sont maltraités par les policiers, "c'est le bazar"…
Hichem nous dit "j'étais gai habituellement mais maintenant je suis très triste" ; à nos questions sur la prise de médicaments, il nous répond par l'affirmative, Rivotril* + Valium ; mais il sait qu'il doit voir un médecin en sortant, qu'il ne doit pas s'arrêter brutalement. Nous lui donnons la liste des permanences qu'il trouve très bien, il la regarde à plusieurs reprises.
Et puis Hichem nous pose des questions, chacun son tour ! Mais nos réponses sont hors compte rendu…



Salah (CRA2), tunisien, copain d'Hichem, contact cabine, recommandé par un autre retenu "qui a moins de problèmes", 26 jours de rétention.

Je connaissais déjà Salah rencontré avec Colette et l'aide d'une "policière-interprète" ; malgré ses difficultés en français, j'ai compris qu'il ne prenait aucun médicament, qu'il sait que c'est dangereux. 

Il est toujours très seul, n'a pas de nouvelle des tantes vivant à Paris dont il nous avait parlé ; mais il veut rester en France, avoir une famille.

Il a rencontré le consul 5 fois, n'a rien dit ; aucun vol annoncé, il ne semble pas connu avec sa véritable identité. Il doit sortir du CRA dans une quinzaine de jours. 
A un moment, il me fait comprendre qu'aujourd'hui il a 20 ans, c'est son anniversaire ! Je pousse vers lui la boîte de gâteaux apportée par Colette, je lui parle de bougies et il comprend, fait semblant de les installer, de les allumer avec un briquet en mimant avec ses mains, de les souffler... et nous rions, et il efface une larme.
Bon Anniversaire Salah ; je vais téléphoner à ta sœur en Tunisie, promis. 
J'ai compris ton voeu grâce à un autre retenu tunisien qui a servi d'interprète à la fin de la visite ; et ce numéro je l'ai noté grâce aux policiers qui ont bien voulu que je prenne un crayon: "mais bien sûr" ; l'arbitraire, toujours, des fois dans le bon sens !

* Rivotril: classe des benzodiazépines - anxiolytique, antiépileptique, certaines formes de convulsions de l'enfant.
Risque de dépendance  physique et psychique – Arrêter brutalement ce médicament peut provoquer l'apparition d'un phénomène de sevrage: anxiété importante, douleurs musculaires, insomnie…



Visite 3
Elisabeth

Après quelques minutes d’attente, nous voilà emmenées dans le local des visites.


Saïd (CRA3), algérien ; XX jours de rétention.
Très nerveux, c’est sa première visite et Saïd se demande qui je suis !
Arrêté dans une ruelle de Paris la nuit en train de préparer un « pétard ». Garde à vue correcte, puis CRA n°3. Il "connait un peu les CRA" : 1ère arrestation 2005, lors de laquelle il avait refusé le premier vol et avait été libéré en fin de délais. 
Mr a vu l'Assfam 3 fois, le JLD, et d’après lui, personne ne l’a écouté. Son vol est affiché pour le lendemain. Il ne prendra pas de médicament, mais se souvient subitement que ce même jour, il a aussi rdv avec son psychiatre. C’est très important pour lui, donc il envisage de retourner auprès de l’Assfam dès la fin de notre échange.
Dors bien, chambre à deux, s’ennuie, les repas sont moyens. Pas de famille proche en Ile de France, sauf peut-être un cousin éloigné en banlieue. Les souvenirs d’Algérie lui reviennent, ses frères et sœurs (8 au total), et sa mère. Beaucoup d’émotions se lisent sur son visage, sourires et quelques larmes quand il me décrit la maison familiale, les terres autour du village, le climat. 
Diplôme de pâtissier en Algérie, en France il fait des petits boulots, surtout les marchés. N’envisage plus son avenir, le CRA lui « prend la tête ».
Il remercie pour le sac de gâteaux, « premier cadeau depuis très très longtemps… », et c’est avec un geste d’amitié qu’il repart en se retournant.


Visite 4
Jacqueline

Une innovation : je devais voir deux retenus, je l’ai signalé à l’accueil en donnant les noms, bien que l’on m’ait dit que ce n’était pas possible de les voir ensemble, les deux retenus avaient été convoqués, je les ai vus ensemble : comme ils étaient sympathiques cela n’a pas été difficile, ils se sont entraidés pour se faire comprendre.


Ali (CRA1) tunisien ; 21 jours de rétention

En France depuis 2 ans, contrôlé pour ses papiers en voiture il n’a passé que 3h à la Préfecture de police (« je n’ai rien fait ») puis il a été amené au CRA1 ; il attend avec angoisse le jugement du 25e jour.

Au Centre, il a vu l’ASSFAM et  son avocat mais pense qu’il fera 45j. Il n’a reconnu aucune autorité consulaire car il ne veut pas être expulsé.
Il a toujours réussi à travailler au noir (« des fois 20 euros, souvent 50, parfois plus, quelquefois aussi rien !») mais ne pouvait avoir son logement : il a vécu dans des squats, sur des chantiers… Il n’écrit pas le français mais le parle assez bien, il l’a appris au travail car il a quitté l’école tôt et n’y a appris que l'arabe.

En rétention, il trouve qu’il est entouré par des gens bien, calmes avec qui il joue au foot ou fait de la marche. Il est dans une chambre de 2.
Par contre il n’aime pas la nourriture, ne mange pas de viande car non halal, et pense qu’on met des médicaments dans les plats.


Wahid (CRA1) égyptien ; 18 jours de rétention.

En France depuis 7 ans, il a été arrêté dans le XVIIIème arrondissement en allant travailler.
Après 3h au Commissariat, il a été emmené au CRA 1 où il est depuis 18j  à s’ennuyer.

Il a toujours travaillé, parfois loin en banlieue. Mais il n’a aucune preuve de son séjour !

C’est par le travail qu’il a appris le français. Des problèmes familiaux l’ont semble-t-il conduit à s’exiler, il n’a plus ses parents depuis longtemps. Ses amis ne peuvent pas venir le voir car ils habitent loin et n’ont pas de papiers en règle.

Il se plaint de manquer de sommeil car il est angoissé. Il a dû demander des somnifères.
Il s’aère régulièrement pour sortir de la chambre où ils sont 4 ou pour s’éloigner de la TV. Il n’y a qu’une TV pour tout le monde, pour faire l’unanimité, les programmes choisis sont le foot et les variétés.
 Il voudrait retourner au pays pour ramener une «femme bien» car les «Parisiennes ne sont pas sérieuses» J’ai essayé de redresser ces clichés sans succès…
Son problème est la nourriture : pas de viande halal, des plats qu’il n’a pas l’habitude de manger.

Tous les deux attendent la fête de l’Aïd : je les appellerai pour la fête. Je leur ai donné une carte de téléphone pour appeler leur famille au pays. Ils étaient contents.



Visite 5
Monique et Christine

Ce jour là nous avons attendu 1 heure avant chaque visite.
Un des policiers venus nous chercher avait dû nous repérer, à moins que ce ne soit à cause de nos têtes de françaises pure souche, toujours est-il qu’il a demandé à chacune de nous si nous faisions partie d’une association, avec un regard plutôt menaçant.
Arrivés à la salle des visites, il nous a imposé de nous mettre à une des 2 tables de la première rangée. J’ai bien essayé d’argumenter en disant que j’avais un problème d’audition pour obtenir de nous mettre plus en retrait dans la seconde, mais ça n’a pas marché… Impossible d’avoir une explication, c’était comme ça !


Hamouda (CRA2) tunisien ; 18 jours de rétention.

Arrêté gare du nord, garde à vue de 23h.
La raison du contrôle d’identité : son copain fumait une cigarette dans l’enceinte de la gare. Le copain, pourtant également sans-papier, a été libéré, pas lui, car il a présenté une fausse identité…
Il a vu le consul mais ne lui a pas parlé.
Hamouda est arrivé en France en 2007 ou 2008, via l’Italie, après une traversée sur un tout petit bateau, nous montre-il avec ses mains.
Il a un travail régulier comme chauffeur-livreur, payé au noir. Tout allait bien jusque là. Il ne fait que travailler, il n’a qu’un jour de congé par semaine, sort très peu, sauf ce soir-là.
Aîné d’une famille de 5 enfants, en Tunisie avec les parents. C’est le soutien de la famille. Pas de famille en France.
Il nous dit que c’est difficile d’être enfermé quand on n’a pas l’habitude… Sinon cela se passe bien dans le centre, les gens sont plutôt solidaires et les policiers en général plutôt gentils.
Par contre parmi les 3 infirmières, il y en a 2 qui se comportent mal, disent du mal des étrangers, une en particulier à qui il a eu à faire.
Il avait été réveillé pour servir d’interprète à un retenu malade qui devait aller à l’infirmerie. Il avait sa casquette sur la tête. Il n’a pu rentrer dans l’infirmerie qu’à condition qu’il la retire… Il s’est senti très humiliée par cette demande, qu’il a d’abord refusée, mais à laquelle il a finalement dû obtempérer.
Par ailleurs, il se plaint de la nourriture qu’il dit très mauvaise, en plus du fait qu’il n’y a pas de viande halal. Au point qu’une fois, devant une assiette pleine d’une chose qui lui a paru immangeable, il est allé la montrer à la personne de l’ASSFAM.
Celle-ci a écrit une lettre, qu’il nous a montrée, de la part des retenus au commandant du centre, dans laquelle elle transmet leurs plaintes, dont des aliments périmés, ainsi que leur demande auprès de l'OFII d’acheter une nourriture meilleure, demande refusée par celui-ci.
Il dort peu, car il a l’habitude de se réveiller tôt pour son travail, mais il ne prend pas de médicaments.
Le pire pour lui, c’est d’être enfermé. Il n’a pas l’habitude répète-t-il, de même qu’il n’a pas l’habitude de ne rien faire car il travaille depuis longtemps…


Anis (CRA1) tunisien ; 11 jours de rétention

Il a été arrêté dans la rue, dans la nuit. Il est resté en garde à vue pendant 27 heures, presque 28.
Il est en France depuis 3 ans. Toute sa famille est restée en Tunisie.
Il travaille au noir dans le bâtiment. Il devrait être au travail, mais n’a pas dit à son employeur qu’il était retenu. Il n’a rien dit non plus à sa famille.
Il ne prend aucun médicament. Il ne dort pas beaucoup, mange très peu : la nourriture n’est pas halal, mais de plus n’est vraiment pas bonne.
L’enfermement est pour lui quelque chose de très dur et profondément injuste. Néanmoins, il semble le supporter mieux que d’autres retenus. C’est quelqu’un de très vif. 
C’est lui qui nous a parlé de son ami algérien qu’il a connu au CRA1, au CRA depuis 29 jours et en France depuis 21 ans, en nous demandant de venir le voir.



Visite 6
Jacqueline et Christine

Arrivées tôt avec Jacqueline, nous avons eu la chance qu’une aimable jeune policière nous demande qui nous voulions voir, et sans nous passer à la poêle à frire, nous emmène directement à la salle des visites.
Pour gagner du temps, nous avons décidé de voir chacune un retenu. Nous étions donc seules dans la salle, et chacune à une table, celles du fond cette fois.
Ce qui confirme une fois de plus que l’arbitraire règne bien dans ce centre.
Jacqueline s’est fait un plaisir de demander la possibilité de voir les retenus dans une salle fermée, mais malgré la référence au règlement et à son article 20, la jeune policière nous a expliqué qu’ils étaient obligés de nous surveiller pour éviter les échanges d’objets entre visiteurs et retenus, et que si vraiment on voulait la confidentialité, il fallait en faire la demande par écrit à l’administration. Nous n’avons pas insisté pour cette fois. Chaque chose en son temps.


Rabbah (CRA1) algérien ; 37 jours de rétention.

Déjà visité en septembre par l'une d'entre nous.

Monsieur très triste et abattu. Après 21 ans en France, être enfermé ainsi et à l’idée qu’il puisse être expulsé en Algérie, alors que sa vie est ici, ou bien être mis en prison 3 ans parce qu’il refuse de voir le consul (conseil donné par l’avocat qui l’a défendu en appel du 1er JLD, et apparemment le seul à avoir fait quelque chose) il me dit avoir le sentiment qu’on lui a ôté sa dignité. Le juge a d’ailleurs fait remarquer à l’avocate de la préfecture, que ce monsieur, étant donnée sa situation, devrait avoir une carte de séjour. L’avocate a répondu qu’elle n’y pouvait rien que le préfet avait demandé le maintien en rétention. Celui-ci a sans doute ses raisons, mais lesquelles, à part espérer réussir une expulsion de plus ?
Cette même avocate, très attentionnée, lui a annoncé un vol. Vol dont il n’a jamais été informé par ailleurs et qui bien sûr n’a pas eu lieu.

Au 2e JLD elle a renouvelé ses pressions et lui a annoncé un vol pour la veille de sa sortie…
Ce serait donc le premier.
Il a très peur, parce que la préfecture a remis une photocopie de son passeport au consul. C’est d’ailleurs pour cette raison et à cause du conseil de l’avocat qu’il a refusé à plusieurs reprises de le voir. La dernière fois, les policiers se sont montrés très insistants, mais quand il a dit suivre le conseil de son avocat, ils n’ont plus insisté.


Kamel (CRA1) algérien ; 38 jours de rétention.

Arrêté à la gare du Nord pour vérification d’identité à 6h30 du matin, emmené au commissariat du quartier jusqu’à 9h, puis transféré à la Préfecture de police jusqu’à 13h enfin admission au CRA1.
A bénéficié d’une bonne avocate nommée d’office qui a bataillé ferme auprès du juge pour non respect de la loi (retenue  limitée à 4h pour vérification d’identité ). A fait appel de la décision : rejet. (Une histoire de ticket ?)
A vu deux fois le JLD. Devrait sortir prochainement.
Trouve que l’ASSFAM l’a bien accueilli et a fait son dossier avec efficacité.
Il a rencontré une autorité consulaire mais est resté bouche cousue devant son représentant. 
Il compte refuser un éventuel vol.

Arrivé en France en 2012, à l’issue d’un long périple : Tunisie, Turquie, Grèce (Il y est resté 11 mois) puis il a gagné Paris par vol de nuit.
 Excédé par ce qui se passe en Algérie (Régime corrompu, poids de l’armée, troubles en Kabylie où les derniers  maquisards sont devenus des bandits) il a décidé de « construire sa vie » et de partir. N’a pas de famille en France. 

Des renseignements sur le règlement intérieur: il est affiché en plusieurs langues (français, arabe, « chinois »). Je lui ai demandé de voir si l’article 20 y figurait (Celui ouvrant la possibilité pour le retenu d’utiliser un boxe s’il n’est pas occupé par une autorité consulaire ou un avocat).

Conditions de vie au CRA : ennui, sentiment de perdre son temps, impuissance… la nourriture est insipide mais il la mange quand même y compris viande non halal, ce qui ne le gêne pas. Chambre à deux lits, s’entend bien avec son camarade. N’a pas parlé de médicaments. Policiers corrects mais il n’est pas dupe d’un système jugé aberrant.