Idrissa, malien, en France depuis 14 ans, enfermé au CRA quand la France est au Mali...


Visite de Jacqueline et Christine.


Une des pires journées de visite : nous sommes arrivées à 13h, personne en attente dans l’abri de fortune réservé aux visiteurs,  les jeunes femmes policières qui accueillent aimablement  notre demande de visite nous informent qu’une visite est partie un quart d’heure plus tôt, nous pensons donc faire notre première  visite dans trois quarts d’heure… Mais  le temps passe et les visiteurs et leurs accompagnateurs ne réapparaissent pas…. En fait nous allons attendre plus de deux heures !
Nous finissons par apprendre grâce aux appels téléphoniques avec les retenus que les policiers sont réquisitionnés pour régler des problèmes survenus  à la fois au CRA 1, avec la tentative de suicide ou mutilation d’un jeune refusant l’expulsion (Nous verrons d’ailleurs arriver puis repartir un véhicule du Samu) et au CRA3, avec une révolte en soutien à un autre retenu après l’annonce de son vol d’expulsion. Nous apprendrons que les expulsions sont nombreuses en ce moment.
Puis c’est le changement d’équipe, les policiers venus enfin nous chercher pestent contre leurs collègues car le retard pris leur laisse une quantité de visiteurs à gérer. Il semble qu’ils auraient pu faire autrement. Cette nouvelle équipe accepte quatre visites (Nous avons demandé à voir notre deuxième retenu, nous en verrons un chacune pour gagner du temps) et nous dispense des fouilles habituelles.
Mais nous attendrons encore une demi-heure dans le parloir car seul le retenu de Christine, venu du CRA1 a été amené, malgré la présence de 4 policiers qui bavardent tranquillement… On ne peut parler de sous-effectifs ! La demande pour les trois autres retenus des CRA 2 et 3  faite par téléphone ne semble pas avoir abouti. Après 25 minutes d’attente, une policière relance la demande et va les chercher. Vive  les femmes dans la police !
Entretemps nous avons lié connaissance avec une visiteuse qui vient tous les jours voir son ami : vendredi dernier, elle a attendu 5h ! Nous avons échangé nos numéros de portable pour obtenir des informations complémentaires.



Idrissa, malien, 48 ans, 33e jour de rétention.

Ce retenu est très content d’avoir cette visite car il se dit très isolé, ses amis n’ayant pas de papiers en règle n’osent s’approcher du CRA à l’entrée duquel il faut déposer un document d’identité (un pass-Navigo avec photo est aussi accepté). Sa vie précaire est sans doute aussi une explication à l’absence de visite : coiffeur, il fait des coupes à 5 euros, là où il peut…
Depuis 14 ans en France, il doit voir avec les bénévoles d’une permanence juridique comment préparer un dossier de régularisation de sa situation administrative, le problème est que s’il a bien les preuves de vie en France, il ne peut produire des feuilles de paie.
Il voudrait, dit-il, se marier en France pour rompre avec la solitude affective qui marque sa vie,  certes il a contribué  comme il a pu à l’entretien de ses enfants au pays mais il ne les a pas vus grandir et n’est pas proche d’eux. Sa femme (Mariage coutumier traditionnel) serait d’accord… On ne peut qu’être frappé par ces situations subies bien éloignées des espoirs primitifs de la migration censée apporter une amélioration de la vie des villageois de la région de Kayes.


Ce retenu  ne pense pas être expulsé mais il dit cependant que malgré la situation difficile au pays, des Maliens sont régulièrement envoyés au CRA (4 en ce moment au CRA2) et  souvent expulsés car des laisser passer de réadmission sont signés par les autorités consulaires. L’alliance politique, l’intervention militaire ne conduisent pas la France  à faire un geste de solidarité ici en facilitant la régularisation par le travail de Maliens pourtant peu nombreux et qui acceptent des emplois que les Français ne veulent pas occuper car mal payés, voire dangereux (enlèvement des ordures, plonge dans les restaurants, travaux  les plus difficiles sur les chantiers…) Il est vrai qu’employés au noir, ils coûtent encore moins cher : c’est la « délocalisation sur place » qui enfreint les droits les plus fondamentaux au « pays des droits de l’Homme ».